
			  
              ils 
                n'avaient franchi 
                les limites de la grande plaine, s'étendant à perte 
                de vue, autour d' eux, mer immense de moissons blondes, où 
                les bleuets s'étoilent où rougissent les coquelicots. 
                Ils ne quittaient pas un seul instant les jolies bêtes dont 
                ils avaient la garde, et ils étaient avec elles si vigilants 
                et si doux que les chiens n'avaient jamais l'occasion de montrer 
                leurs crocs aux brebis ou aux moutons.
                Ils n'avaient jamais voyagé, les pastoureaux ! Et voilà 
                qu'un beau jour, (on ne sait trop ni pourquoi ni comment), l'idée 
                leur vint d'aller en pèlerinage au Mont Saint-Michel de 
                Normandie. 
                Maîtres et parents leur firent mille remontrances ; on leur 
                représenta les dangers de la route l'éloignement 
                du but, la saison qui devenait mauvaise ... 
                I Is n'écoutèrent personne ; un beaumatin, ils partirent 
                tous les cinq, avec trois sols en poche ; (c'était Jean 
                Leblond, le plus raisonnable, qui portait le trésor) avec 
                un gros pain sur le dos, de l'eau dans leurs gourdes et avec une 
                grande foi dans leurs jeunes cœurs !
                Ils traversèrent des plaines, franchirent des collines 
                et s'aventurèrent dans des forêts profondes; mais 
                saint Michel les protégeait visiblement, car ils ne firent 
                la rencontre ni de loups voraces, ni d'hommes méchants, 
                ni de voleurs.
                Au contraire, ils trouvèrent toujours sur leur route des 
                sources fraîches pour se désaltérer, de braves 
                gens pour leur indiquer le chemin et des granges hospitalières 
                pour passer les nuits.