Texte intégral du livre :

"LA FEE DES GREVES" par Paul Féval Liens vers pages suivante, précédente et sommaire du livre en bas de page.

La Fée des Grèves de Paul Féval

de boire la rivière.
Sa ménagère se lamentait et pleurait, disant : Que Dieu ait pitié de nos vieux jours ! Nous voilà sans maison et sur la paille !...
Frère Bruno en était là de son récit, lorsque Aubry le saisit rudement par les épaules et le poussa en avant.
La mer arrivait dans le lit du ruisseau qui sépare les deux monts, et frère Bruno avait déjà de l'eau jusqu'aux mollets.
Or, dans ces sables, quand on a de l'eau jusqu'aux mollets, la tête y passe souvent.
Frère Bruno se mit à rire quand il fut à pied sec.
-Messire Aubry, dit-il, je vous rends grâce. Voilà ce que c'est que de bavarder : je ne regardais pas mon chemin. Cela me rappelle l'histoire du vieux Martin de Saint-Jacut, qui fut noyé en chantant ma mère l'Oie... Donc, la femme de Joson Drelin...
-Morbleu ! mon frère ! s'écria Aubry, nous allons nous fâcher si vous ne laissez là une bonne fois Joson Drelin et sa femme !
Bruno le regarda stupéfait.
-L'histoire ne vous plaît pas, messire ? dit-il ; c'est surprenant.
Mais des goûts, il ne faut point discuter, et je vais alors, vous achever l'aventure de Pacôme, second sommelier de l'abbé défunt.
-Ni cette aventure ni d'autres, mon frère ! Avalez votre langue et mettez vos jambes au trot, car la mer va nous entourer.
-Oh ! répliqua le moine servant, j'aurai toujours bien le temps de vous conter ce qui advint à maître Olivier Chouesnel, syndic des peaussiers et mégisseurs de la ville d'Avranches, le jour de ses noces.
-Un mot de plus, et je vous laisse là, mon frère !
-Bon, bon, messire Aubry, ne vous fâchez pas ! Je ne conte mes anecdotes qu'à ceux qui me les demandent. Et encore, bien souvent, je me fais prier, témoin ce qui m'arriva en l'an quarante-cinq, au pardon de Noyal-sur-Seiche...
Aubry n'en voulut point entendre davantage. Il prit sa course, et le frère Bruno resta seul dans les tangues.
-Oh ! oh ! fit-il : pareille chose m'advint en Basse-Bretagne avant la guerre. Je voulus raconter l'histoire du meunier Rouan, qui vendit son âme au Malin pour une paire de meules, mais...
-Oh ! oh ! fit-il encore en sursaut, voici la mer pour tout de bon !
Cette fois, il n'entama aucune histoire, et prit ses jambes à son cou.

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